dimanche, 11 septembre 2016
Tes faims de moi sont difficiles…
Quand j’ai ouvert les yeux, j’avais encore une image dans les yeux.
Celle-ci.
Ce fut ma première rencontre avec « MissTic », poétesse recyclée dans la pub de location de camions à la journée.
Mais bon, pourquoi pas.
Rimbaud a bien fini trafiquant d’armes dans les colonies…
Je ne sais pas avec précision quand je l’ai vue « en vrai » la première fois.
Si je me rappelle bien, il y avait même écrit en dessous « there’s no place for me » et j’avais pensé que si, justement, « there’s »…
Je crois que c’était au début des années quatre-vingt.
En revanche, je sais exactement où je l’ai vue.
Je l’ai vue un matin en partant travailler.
Rue Michel Lecomte, à Paris, dans le IIIème arrondissement.
Cette petite rue, coincée entre la rue du Temple et la rue Beaubourg est sombre et étroite.
Quand j’ai lu ce superbe aphorisme sur le mur, il y avait encore sur le trottoir en face, deux énormes étais qui empêchaient l’immeuble du 16 de la rue de tomber dans le jardin de l’École des Impôts.
Ce « Tes faims de moi sont difficiles » était écrit au pochoir dans le renfoncement de l’immeuble face au 16.
Elle a eu du mérite à le poser là.
D’aussi loin que je me rappelle, c'est-à-dire juillet 1967, ce coin a toujours été désigné par une pancarte émaillée qui intimait « Défense de déposer des ordures ».
Ça incitait évidemment à y jeter des sacs d’ordures et uriner dessus…
Comme disait Pérec, qui passait souvent dans le coin, « je me souviens » aussi qu’à la place du Gymnase Michel Lecomte, il y avait le jardin de l’École des Impôts dans le fond duquel la vigne vierge qui rougissait le mur en automne ravissait mon père accoudé à la fenêtre.
Il aimait, les soirs d’été, regarder les bals de promo qu’y donnaient certaines grandes écoles parisiennes.
Il est entré dans une rage noire quand on a abattu les arbres du jardin.
Plus encore quand on lui a ôté le soleil en bâtissant là un gymnase d’une laideur crasse.
Le renfoncement existe toujours.
Je me suis demandé comment on pouvait emménager aux numéros 5, 7, 9 et 11 de la rue tant les portes en sont étroites.
Peut-être Gide avait il eu la prescience de ce que deviendrait le quartier quelques décennies plus tard…
Puis, je me suis aperçu que tous ces immeubles, comme beaucoup d’autres du quartier, avaient tous d’autres entrées, plus larges et des issues sur des cours qui menaient à d’autres rues.
Ça a rendu bien des services aux habitants à une époque où il était mal vu de n’être pas un bon aryen…
Oui, ce réveil avec cette image dans les yeux m’a rappelé tout ça.
La mécanique de l’automne suscite des réactions étranges chez votre serviteur, lectrices chéries…
10:16 | Commentaires (4)
Commentaires
Vous devriez écrire le " guide du vrai Parisien" . Un régal.
Écrit par : Nina | dimanche, 11 septembre 2016
J'adore MissTic , et plus encore que ses pochoirs, les formules qui les accompagnent, intelligentes, lapidaires.
Tu nous emmènes dans des coins et des recoins ; quelle étrange chose que la mémoire qui lie un dessin, une formule, à un paquet de souvenirs....
Dans nos jardins secrets,
le doux se crée.
ou
à Lacan,
ses lacunes
Écrit par : Sophie | dimanche, 11 septembre 2016
tu as des réveils ... bien éveillés pour que tous ces souvenirs te reviennent aussi précisément!
Mais, venant de toi... cela ne m'étonne pas !
Écrit par : emiliacelina | dimanche, 11 septembre 2016
Je me souviens de ce pochoir, je me souviens d'avoir aimé, je ne me souviens pas d'avoir croisé Pérec.
Écrit par : heure-bleue | dimanche, 11 septembre 2016
Les commentaires sont fermés.